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La prière mortuaire de l’absent

Priére mortuaire musulman

Que dit la religion à propos de la prière funéraire pratiquée sur un mort qui se trouve loin du pays ?

Si cette prière est prescrite par la religion, a-t-on le droit de prier sur tout mort absent ?

Il est établi dans les sahîhs que le Prophète ﷺ annonça à ses Compagnons la mort du Négus, roi d’Abyssinie, le jour même de son décès, puis il les aligna derrière lui et fit la prière mortuaire sur lui. Ce hadith prouve la légalité de pratiquer la prière mortuaire sur l’absent.

Certains savants comme les hanafites et les malékites ont cependant objecté : « C’est là un privilège propre à l’Envoyé d’Allah ﷺ, et donc il n’est pas permis à quelqu’un d’autre que lui de pratiquer la prière mortuaire sur un absent ».

La plupart des savants -jumhûr- ont réfuté cet avis en disant que la particularisation ne doit être établie que par une preuve scripturaire authentique et qu’à la base la communauté est tenue de suivre l’exemple du Prophète ﷺ dans tout ce qu’il fait.

Est-il permis d’effectuer la prière mortuaire sur tout absent ou non ? Les savants en discutent. D’ailleurs, tous tirent argument de la prière du Prophète ﷺ sur le Négus.

Les chaféites et les hambalites soutiennent qu’il est permis de prier sur toute personne morte à l’extérieur de son pays même si on a prié sur elle là où elle est morte.

Selon un deuxième avis, il est permis de prier sur l’absent si c’était quelqu’un d’utile à la communauté, comme un grand savant, ou un moudjahid, ou un riche qui dépensait son argent dans les œuvres de bien. Cet avis correspond à l’une des deux traditions attribuées à l’imâm Ahmad. Le shaykh as-Sa`dî a opté pour cet avis ainsi que le Comité Permanent des Recherches Scientifiques et de l’Ifta (en Arabie Saoudite).

Pompes funèbres priére musulman

Selon un troisième avis...

Selon un troisième avis, la prière mortuaire sur l’absent n’est valide que si personne n’a prié sur lui là où il est mort. Cet avis correspond à l’autre tradition remontant à l’imâm Ahmad. Il a été choisi par le shaykh de l’Islam Ibn Taymiyya et son élève Ibn al-Qayyim. Parmi les savants contemporains qui penchent vers cet avis. Il y a le shaykh Ibn al-`Uthaymîn.

Voici les paroles de certains savants à ce sujet : Al-Khirashî, savant malékite (2/142), a dit : « La prière du Prophète ﷺ sur le Négus fait partie des privilèges qui sont propres à lui ». Une parole semblable se trouve dans `badâ`i`as-sanâ`i » (1/312) d’al-Kâsânî qui est un savant hanafite.

Dans son livre « al-majmû`» (5/211), l’imam an-Nawawî a dit : « Selon les enseignements de notre école, il est permis d’accomplir la prière mortuaire sur quelqu’un qui est mort loin du pays. Abû Hanîfa l’interdit. La preuve sur laquelle nous nous sommes appuyés et le hadith [sur la prière du Prophète ﷺ] sur le Négus qui est un hadith authentique sans le moindre doute. Or les hanafites n’ont pas donné de réponse solide qui réfute ce hadith ».

Les chaféites ont subordonné la permission de prier sur l’absent à une condition restrictive appréciable : si quelqu’un meurt loin du pays et que des années plus tard nous voulons pratiquer la prière mortuaire sur lui, nous ne pouvons le faire que si le jour de sa mort, l’âge que nous avions était l’âge légal à partir duquel une personne devient capable de prier. Dans « asnâ al-matâlib », Zakariyyâ al-Ansârî a dit : « Seul celui qui était assujetti à la prière le jour de la mort de l’absent peut pratiquer la prière funéraire de l’absent sur lui ».

Le shaykh al-`Uthaymîn a dit :

« … sauf que certains savants ont restreint [cette permission] par une restriction appréciable. Ils ont dit que pour qu’une personne accomplisse la prière de l’absent sur un mort, il faut que le jour de la mort de celui-ci, cette personne-là ait déjà l’âge légal de la prière. Supposons qu’un homme âgé de trente ans veut prier sur une personne morte il y a vingt ans. Cet homme a le droit de le faire puisqu’il avait dix ans quand cette personne était morte. Supposons maintenant qu’un homme âgé de vingt ans veut prier sur une personne morte il y a trente ans. Cet homme n’a pas le droit de le faire puisque quand cette personne était morte, il n’était pas encore né.

Ceci étant, il ne nous est pas permis de pratiquer la prière mortuaire sur le Prophète ﷺ auprès de sa tombe. D’ailleurs, personne, à notre connaissance, n’a dit qu’il est permis d’effectuer la prière mortuaire sur le Prophète ﷺ, ni sur les Compagnons رضي الله عنهم, mais nous devons seulement nous tenir auprès de leurs tombes et faire des invocations ».

Dans son livre « al-mughnî » (2/195), Ibn Qudâma a dit : « Il est permis d’accomplir la prière mortuaire sur quelqu’un qui est enterré dans un autre pays. Il faut juste formuler par le cœur l’intention de le faire, se mettre en face de la qibla comme on le fait concernant les autres morts, peu importe si ce mort se trouve en direction de la qibla ou non et peu importe si la distance qui sépare les deux pays est la distance à partir de laquelle on doit raccourcir la prière ou non. C’est cet avis que soutient aussi l’imâm Chaféi ».

Dans « al-insâf », al-Mardâwî (2/533) a dit :

« On priera sur l’absent en formulant dans son cœur l’intention de le faire. C’est ce qu’enseigne notre école de manière absolue, peu importe si on a déjà prié sur lui ou non et peu importe s’il était quelqu’un d’utile pour la communauté musulmane ou non. La plupart des disciples de l’école [hanbalite] optent pour cet avis et beaucoup d’entre eux le soutiennent de manière catégorique. Cependant l’imâm Ahmad l’interdit. Certains savants ont dit qu’on priera sur lui si personne n’a prié sur lui. Cet avis a été choisi par Taqiyy ad-Dîn et Ibn`Abd al-Qawiyy ».

Dans son livre « nayl al-ma`ârib », le shaykh Bassâm -qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « Les savants sont d’avis divergents quant au caractère légal de la prière sur l’absent. Abû Hanîfa, Mâlik et leurs disciples soutiennent qu’elle n’est pas permise. Ils ont dit à ce propos de la prière du Prophète ﷺ sur le Négus qu’elle fait partie des privilèges propres à l’Envoyé d’Allah ﷺ. Chaféi, Ahmad et leurs disciples soutiennent qu’elle est permise. Ils ont dit qu’elle est prouvée par des hadiths authentiques et que la particularisation a besoin de preuve, or rien ne prouve qu’elle est propre au Prophète ﷺ. Le shaykh de l’Islam (Ibn Taymiyya) s’en est tenu à un juste milieu, il a dit : « Si personne n’a prié sur le mort là où il fut enterré, comme ce fut le cas du Négus, alors on priera sur lui. Si on a prié sur lui, le reste des musulmans en est dispensé puisque c’est un devoir d’obligation sociale -fard kifâya- ». Cet avis correspond à une tradition authentique attribuée à l’imâm Ahmad. Ibn al-Qayyim la qualifie d’authentique dans « al-hadiy ». Ce qui appuie cet avis, c’est que du vivant du Prophète ﷺ, beaucoup de Compagnons sont morts loin de lui, sans qu’aucun hadith ne rapporte qu’il ait pratiqué la prière de l’absent sur l’un d’eux. Le shaykh de l’Islam rapporte une tradition selon laquelle l’imâm Ahmad a tiré argument de l’histoire du Négus pour dire : « Lorsque l’homme pieux meurt, il est permis d’effectuer la prière de l’absent sur lui ».

Notre shaykh `Abd ar-Rahmân as-Sa`dî -qu’Allah lui fasse miséricorde- soutient cet énoncé détaillé, et c’est ce que font d’ailleurs les habitants de la région de Najd : ils pratiquent la prière de l’absent sur celui qui a rendu d’éminents services à la communauté musulmane à l’exclusion des autres.

A rappeler toutefois que cette prière est recommandée et non obligatoire » (fin de l’explication du shaykh Bassâm).

Ibn Hajar a dit : « Al-Khattâbî a dit :

« On ne priera sur l’absent que s’il est mort dans un pays où il n’y a personne pour prier sur lui » Ar-Ruyânî, savant chaféite, a été favorable à cet avis. Dans ses sunan, Abû Dâwûd a intitulé un chapitre : « La prière mortuaire sur le musulman qui meurt dans un pays étranger au milieu de gens polythéistes », ce qui corrobore cet avis. D’ailleurs, cela peut arriver ».

Le Comité Permanent de l’Ifta (8/418) fut interrogé : « Est-il permis que nous accomplissions la prière mortuaire sur l’absent comme a prié le Prophète ﷺ sur son ami le Négus ou est-ce là un privilège propre à l’Envoyé d’Allah ﷺ ? »

Il a répondu : « Il est permis de pratiquer la prière mortuaire sur l’absent conformément à ce qu’a fait le Prophète ﷺ. Cette prière n’est pas propre à l’Envoyé d’Allah ﷺ puisque ses Compagnons ont prié avec lui sur le Négus et parce qu’à la base un texte canonique garde sa portée absolue tant qu’il n’y ait aucun autre texte qui en limite la portée. Seulement cette prière doit être faite spécialement sur ceux qui avaient rendu d’éminents services à l’Islam et non pas sur n’importe qui ».

La question suivante fut posée au shaykh al-`Uthaymîn -qu’Allah lui fasse miséricorde- :

« Il est établi que l’Envoyé d’Allah ﷺ a accompli la prière de l’absent sur le Négus. La raison en est qu’il n’y avait pas en Abyssinie de musulmans pour prier sur lui. Aujourd’hui, comme nous le constatons, plusieurs musulmans meurent dans différentes régions du monde sans que personne ne prie sur eux. Puis-je prier sur eux ? »

Il a répondu : « Si tu es sûr que personne n’a prié sur eux, alors prie sur eux, car la prière est un devoir d’obligation sociale -fard kifâya-, mais peut-être que leurs familles ont prié sur eux, car il suffit qu’un seul musulman prie sur le mort pour que les autres en soient dispensés. De toute façon, si tu as appris la mort de quelqu’un et tu as acquis la certitude que personne n’a prié sur lui, tu dois prier sur lui, car la prière mortuaire est un devoir d’obligation sociale et il faut au moins une personne qui s’en acquitte ».

D’après tout cela, il paraît évident que la prière de l’absent est légale ; comme le prouve le hadith qui rapporte que le Prophète ﷺ et ses Compagnons ont prié sur le Négus et il n’y a aucune preuve que cette prière est propre à l’Envoyé ﷺ

Parmi ces avis, il y a deux avis qui sont les plus justes :

- Le premier : on ne priera que sur le mort qui a été laissé sans prière mortuaire.

- Le deuxième : on ne priera que sur celui qui a rendu d’éminents services aux musulmans, comme un savant qui a fait profiter les gens de son savoir, ou un homme riche qui a dépensé son argent au service des musulmans, ou un moudjahid qui a défendu la communauté, etc. Seul Allah est Omniscient.